L’HISTOIRE DU CHARBON HOLLANDAIS

Les machinistes des locomotives à vapeur hollandaises étaient habillés en velours noir, pour n’avoir que le visage et les mains sales et ils étaient accompagnés de mousses.

La locomotive avec sa fumée noire et ses vapeurs blanches – une cocotte minute sur deux lignes parallèles, pour aller plus vite qu’à pied et être à l’heure – effrayait les vaches curieusement tachées, qui continuaient à donner du lait d’une autre couleur que celle de l’herbe qu’elles ruminaient entre deux passages de train.

La machine, elle, faisait du feu avec du noir.

La charge de charbon dans le réservoir était calculée en tonne, kilo et pelletée, et les «maîtres» (machinistes) pouvaient obtenir des primes, en plus de leur salaire élevé, en brûlant ou évaporant le moins possible.

Faire plus de kilomètres avec moins de combustible, voulait dire rajouter des pelletées après la fermeture de la distribution à la fin de l’après-midi, sans qu’on le voit.

Le mousse s’en chargeait.

Pour éviter ces fraudes, la direction du NS (SNCF Hollandaise) décida de passer les collines de charbon à la chaux le soir, afin que tout manque soit visible.

C’est ainsi que le paysage des Pays-Bas fût enrichi par des montagnes noires le jour qui devenaient blanches la nuit.

C’était beau et culpabilisant en même temps, comme beaucoup de choses dans ce pays.

Et par temps de neige, il fallait beaucoup de sel pour noircir le charbon au soleil d’hiver.

 

T. Alkema, Nîmes, le 21 juin 1988